De altermonde-sans-frontiere.com
Par Michel de Pracontal
De tous les artifices utilisés par les mâles des diverses espèces animales pour séduire les femelles, celui auquel recourt le "Jardinier à nuque rose" n’est pas le moins original. Ce corvidé d’Australie ne se livre pas à une banale parade nuptiale en affichant des couleurs criardes et en se rengorgeant, il ne se pavane pas en déployant une roue de plumes ocellées, il n’exhibe pas une Rolex et ne propose pas à sa partenaire un tour en Harley-Davidson. Non, le Jardinier à nuque rose ne s’abaisse à aucun de ces vulgaires expédients, mais recourt à un procédé d’une sophistication digne d’un architecte de la Renaissance : il édifie une construction dans laquelle un effet de « perspective forcée » crée une illusion d’optique qui le rend plus attirant aux yeux de la femelle ! Le Jardinier à nuque rose - Ptilonorhynchus nuchalis ou Chlamydera nuchalis - fait partie de la famille des oiseaux à berceau (Ptilonorhynchidés), qui compte une vingtaine d’espèces vivant en Australie et en Nouvelle-Guinée. Pour attirer les femelles, ces oiseaux construisent une tonnelle, ou « berceau », qu’ils décorent avec des cailloux, des coquilles, des plumes, des baies, des fleurs, etc… Ces berceaux nuptiaux peuvent avoir l’aspect de véritables œuvres d’art. Ainsi, le Jardinier satiné (Ptilonorhynchus violaceus) peint le sien d’une belle couleur bleue, à l’aide d’une teinture qu’il fabrique lui-même en mélangeant du jus de baie et de la salive. Le berceau du Jardinier à nuque rose a une allure plus spartiate. Il est constitué d’une allée rectiligne, longue d’une soixantaine de centimètres, délimitée par deux parois verticales faites de brindilles et de branchages, et ouverte à chaque extrêmité. Un tunnel à ciel ouvert, en somme. L’allée se prolonge à un bout par une sorte de cour, comme une terrasse. Allée et cour sont « pavées » de cailloux, coquillages, fragments d’os et autres matériaux similaires, le tout dans des tons gris-blanc assez ternes.
Mais l’important n’est pas la couleur, c’est la disposition particulière des 5 000 à 12 000 objets qui pavent la cour. Cette disposition ne doit rien au hasard, comme l’a découvert l’équipe du zoologue australien John Endler, de l’université Deakin : les oiseaux disposent systématiquement les plus gros cailloux et coquillages au fond de la cour et les plus petits sur le devant, à l’entrée du tunnel. Entre les deux, les Jardiniers à nuque rose créent un « gradient » de taille, de sorte que la taille des objets augmente progressivement à mesure qu’on se déplace vers le fond de la cour. Endler et ses collègues ont vérifié la présence de cette structure en gradient dans les berceaux construits par les mâles de deux populations de Jardiniers à nuque rose vivant dans l’État du Queensland, au nord-est de l’Australie. Mais à quoi sert cette disposition particulière des cailloux et autres objets qui recouvrent la cour du berceau ? Cette cour joue en fait le rôle d’une scène sur laquelle le mâle exécute sa parade nuptiale. Tandis qu’il se produit, la femelle l’observe après s’être engagée dans le tunnel, par l’autre bout. Ce qui veut dire qu’elle contemple le mâle en train de parader à partir d’un point de vue fixe, avec un champ visuel restreint. Ce dispositif crée un effet de « perspective forcée » qui fait que les cailloux les plus grands, qui sont aussi les plus éloignés, semblent avoir la même taille que les objets plus petits qui sont devant.
Le Jardinier à nuque rose - Ptilonorhynchus nuchalis ou Chlamydera nuchalis - fait partie de la famille des oiseaux à berceau (Ptilonorhynchidés), qui compte une vingtaine d’espèces vivant en Australie et en Nouvelle-Guinée. Pour attirer les femelles, ces oiseaux construisent une tonnelle, ou « berceau », qu’ils décorent avec des cailloux, des coquilles, des plumes, des baies, des fleurs, etc… Ces berceaux nuptiaux peuvent avoir l’aspect de véritables œuvres d’art. Ainsi, le Jardinier satiné (Ptilonorhynchus violaceus) peint le sien d’une belle couleur bleue, à l’aide d’une teinture qu’il fabrique lui-même en mélangeant du jus de baie et de la salive. Le berceau du Jardinier à nuque rose a une allure plus spartiate. Il est constitué d’une allée rectiligne, longue d’une soixantaine de centimètres, délimitée par deux parois verticales faites de brindilles et de branchages, et ouverte à chaque extrêmité. Un tunnel à ciel ouvert, en somme. L’allée se prolonge à un bout par une sorte de cour, comme une terrasse. Allée et cour sont « pavées » de cailloux, coquillages, fragments d’os et autres matériaux similaires, le tout dans des tons gris-blanc assez ternes.
Mais l’important n’est pas la couleur, c’est la disposition particulière des 5 000 à 12 000 objets qui pavent la cour. Cette disposition ne doit rien au hasard, comme l’a découvert l’équipe du zoologue australien John Endler, de l’université Deakin : les oiseaux disposent systématiquement les plus gros cailloux et coquillages au fond de la cour et les plus petits sur le devant, à l’entrée du tunnel. Entre les deux, les Jardiniers à nuque rose créent un « gradient » de taille, de sorte que la taille des objets augmente progressivement à mesure qu’on se déplace vers le fond de la cour. Endler et ses collègues ont vérifié la présence de cette structure en gradient dans les berceaux construits par les mâles de deux populations de Jardiniers à nuque rose vivant dans l’État du Queensland, au nord-est de l’Australie. Mais à quoi sert cette disposition particulière des cailloux et autres objets qui recouvrent la cour du berceau ? Cette cour joue en fait le rôle d’une scène sur laquelle le mâle exécute sa parade nuptiale. Tandis qu’il se produit, la femelle l’observe après s’être engagée dans le tunnel, par l’autre bout. Ce qui veut dire qu’elle contemple le mâle en train de parader à partir d’un point de vue fixe, avec un champ visuel restreint. Ce dispositif crée un effet de « perspective forcée » qui fait que les cailloux les plus grands, qui sont aussi les plus éloignés, semblent avoir la même taille que les objets plus petits qui sont devant.
Cet effet est apparenté à l’illusion d’optique d’Ebbinghaus (schéma ci-contre) : le disque orange à gauche paraît plus petit que son homologue à droite, mais ils ont en fait la même taille. Le gradient construit par le jardinier à nuque rose suscite une distorsion perceptive similaire, dont l’effet est de faire paraître la cour plus petite qu’elle ne l’est vraiment. Sur cette scène rétrécie, le mâle Jardinier à nuque rose paraît plus grand, plus beau, il crève l’écran, devient irrésistible… et la femelle succombe à son charme. Tel est du moins l’effet recherché par notre oiseau en créant cette illusion d’optique. Comment peut-on être sûr que l’œil de la femelle du Jardinier à nuque rose est, comme l’œil humain, sensible à l’illusion d’Ebbinghaus ? Plusieurs expériences sur les pigeons ont démontré qu’ils perçoivent la plupart des illusions optiques comme les humains. Et le système visuel des oiseaux, d’une manière générale, n’a rien à envier au nôtre. On peut donc admettre que la femelle Jardinier est sensible à l’effet de perspective forcée. Elle y est même très sensible, d’après les résultats que publient Endler et ses collègues dans leur dernière étude, tout juste parue dans la revue Science : ils démontrent que les oiseaux qui ont le plus de succès auprès des femelles sont aussi ceux qui réussissent le mieux à créer un effet de perspective forcée.
En d’autres termes, la séduction chez le Jardinier à nuque rose ne repose pas sur une simple démonstration de force, ni sur un pur affichage esthétique comme la roue du paon. Elle nécessite la maîtrise d’une technique d’architecte assez élaborée, si l’on considère que chez les humains, les lois de la perspective n’ont été formulées précisément qu’au XVème siècle !...
Cet effet est apparenté à l’illusion d’optique d’Ebbinghaus (schéma ci-dessus) : le disque orange à gauche paraît plus petit que son homologue à droite, mais ils ont en fait la même taille. Le gradient construit par le jardinier à nuque rose suscite une distorsion perceptive similaire, dont l’effet est de faire paraître la cour plus petite qu’elle ne l’est vraiment. Sur cette scène rétrécie, le mâle Jardinier à nuque rose paraît plus grand, plus beau, il crève l’écran, devient irrésistible… et la femelle succombe à son charme. Tel est du moins l’effet recherché par notre oiseau en créant cette illusion d’optique. Comment peut-on être sûr que l’œil de la femelle du Jardinier à nuque rose est, comme l’œil humain, sensible à l’illusion d’Ebbinghaus ? Plusieurs expériences sur les pigeons ont démontré qu’ils perçoivent la plupart des illusions optiques comme les humains. Et le système visuel des oiseaux, d’une manière générale, n’a rien à envier au nôtre. On peut donc admettre que la femelle Jardinier est sensible à l’effet de perspective forcée. Elle y est même très sensible, d’après les résultats que publient Endler et ses collègues dans leur dernière étude, tout juste parue dans la revue Science : ils démontrent que les oiseaux qui ont le plus de succès auprès des femelles sont aussi ceux qui réussissent le mieux à créer un effet de perspective forcée.
En d’autres termes, la séduction chez le Jardinier à nuque rose ne repose pas sur une simple démonstration de force, ni sur un pur affichage esthétique comme la roue du paon. Elle nécessite la maîtrise d’une technique d’architecte assez élaborée, si l’on considère que chez les humains, les lois de la perspective n’ont été formulées précisément qu’au XVème siècle !...